Les séances de Naïkan
Les séances de Naïkan.
Les séances de Naïkan se présentent comme un exercice de contact avec soi-même.
Le Naïkan s'organise en quatre phases :
- le premier entretien avec le praticien ;
- un second entretien où sont données les instructions pour la pratique ;
- la pratique elle-même (trois sujets-types de méditation sont imposés) ;
- et au final, un entretien de "feed-back", lors duquel le consultant (qui le souhaite) fait le point sur son expérience.
Normalement, le Naïkan destiné aux laïcs est ainsi atteint : le consultant a retrouvé sa santé mentale et émotionnelle.
Un second cycle de Naïkan s'adresse aux moines bouddhistes, qui envisagent d'explorer les aspects subtils de leur corps avec l'intention de mettre fin aux causes de la souffrance. Toutefois, il peut être expérimenté pour ceux qui se destinent à enseigner le Naïkan. Voyons cela.
1. Les quatre phases des séances de Naïkan.
Dans une première phase, le praticien décrit la méthode et interroge le candidat sur les motivations et les souffrances psychologiques qui le conduisent à venir au Naïkan.
Dans une seconde phase, s'il est admis, les fondements de la méthode sont expliqués une nouvelle fois, ainsi que les techniques mises en oeuvre.
Dans une troisième phase, le méditant expérimente seul la technique, le praticien veillant à son confort et que le processus de questionnement se déroule convenablement. En cas de crise de "catharsis" (émotions perturbatrices faisant leur réapparition hors contexte) et qui se manifestent comme de la colère, du ressentiment et des pleurs), le praticien procure chaleur humaine et conseil au méditant
Dans une quatrième phase, le méditant expose ou non, s'il le souhaite donc, son expérience de réflexion et de méditation au praticien, le praticien peut alors introduire la suite du programme.
2. L'objectif des séances de Naïkan.
Chaque question, la méthode en compte trois, s'organise comme un temps de méditation, encadré de deux courtes phases de dialogue entre le praticien et le méditant. La durée maximale est de 15 heures par question, en une ou plusieurs séances. Le nombre de séances et leur durée, ainsi que l'ordre du questionnement, sont variables d'un méditant à l'autre et sont adaptées par le praticien. Le consultant peut interrompre à tout moment, sans avoir à se justifier et contre décharge (voir le code de déontologie).
L'objectif du Naïkan est de réaliser le réseau immense de solidarité entre les êtres et les générations, qui nous a permis de naître, de vivre et d'obtenir de la nature tout ce qui nous est essentiel. Notre sentiment de manque vient le plus souvent du fait que nous ne réalisons pas l'incroyable force de ce réseau. Au lieu de cela, nous sommes égocentriques, comme de jeunes enfants, et nous nous plaignons de nos blessures égotiques, comme si elles étaient un drame. En insistant sur tout ce que nous recevons, au lieu de nous focaliser sur nos manques supposés et nos traumatismes, le Naïkan installe durablement un état d'esprit de gratitude. Cette attitude mentale positive nous rend plus ouverts aux incroyables possibilités qui s'offrent à nous à chaque instant, et que nous négligeons, perdus dans nos pensées et nos souffrances émotionnelles narcissiques.
Psychologie occidentale | Naïkan |
Se focalise sur les sentiments et les impressions personnelles | Se focalise sur les faits |
Revisite les faits du passé lors desquels vous avez été blessé ou vous êtes senti malheureux | Souligne combien vous avez été soigné et assisté par le passé |
Le thérapeute valide votre expérience | Le thérapeute aide le patient à intégrer le point de vue d'autrui |
Vous blâmez autrui pour vos souffrances | Vous prenez la responsabilité de votre conduite et des dommages causés à autrui |
Le thérapeute valide l'analyse et l'interprétation du patient | Le thérapeute fournit un cadre et une méthode d'analyse au patient |
Le thérapeute aide le patient à augmenter l'estime de soi | La thérapie aide le patient à accroitre son appréciation positive de la vie |
3. Au-delà du Naïkan : le second cycle.
Le Naïkan, en tant que psychothérapie, a atteint alors son point d'action maximal. Le Jodo Shinshu, l'école bouddhique enseignée par le fondateur du Naïkan, le moine Shinran (1173-1263), affirme que le méditant présente dès lors un état mental et émotionnel stable, où il est apte à la rencontre avec le Bouddha Amida. Ce dernier est, en effet, le maître d'une "Terre Pure", un paradis situé à l'Ouest et dont la pratiquant laïc fera l'expérience au moment de sa mort. Grâce au Naïkan, le fidèle n'a donc plus qu'à attendre cet instant, en formulant sa gratitude à Amida par la répétition de la formule "Namo Amida Butsu" ("Hommage au Bouddha Amida"). Il est dès lors "sauvé" ; puisque cette école bouddhiste populaire a une visée eschatologique. Elle est d'ailleurs majoritaire au Japon et a longtemps laissé croire aux premiers Européens (les Jésuites) parvenus en Extrême-Orient, qu'il s'agisait d'une des formes du Christianisme. C'est ainsi que le Bouddha Amida a été canonisé par l'Eglise Catholique Romaine en St Josaphat, l'ermite Barlaam.
Cette issue est la conséquence de l'opinion de Shinran, comme de son maître Hōnen, selon laquelle l’ère dans laquelle nous vivons est celle, dégénérée, où les êtres humains ne peuvent plus espérer être en mesure de s’extirper du cycle des renaissances par leur "pouvoir propre", ou "jiriki" (自力). Tous les efforts conscients en vue d’atteindre l’Éveil et de réaliser l’idéal du "bodhisattva" sont dès lors artificiels, car non enracinés dans la compassion véritablement altruiste nécessaire pour devenir un "bodhisattva" (un être au service de l'Eveil spirituel). Conscient des limites humaines, Shinran préconise la dépendance envers le "tariki" (他力) ou "pouvoir autre" – ici le pouvoir du bouddha Amida (1), qui rendu manifeste par son vœu de sauver tous les êtres se tournant vers lui – afin d’atteindre la libération.
L'analyse du Naïkan rend donc normalement inutile cette seconde phase, typiquement monastique, qui quitte le domaine du psychique pour faire entrer le méditant dans le domaine de la spiritualité bouddhique et de ses techniques "étranges". Effectivement, cette seconde phase s'appuie non plus sur l'aide salavatrice du Bouddha Amida, mais sur le pouvoir propre des méditants à se libérer.
Ainsi, pour les rendre plus conscients des possibilités de l'existence, une fois parvenus au terme de la pratique d'analyse psychologique et méditative du Naïkan, les pratiquants (généralement des moines) sont invités à étudier sept types mouvements primaires en l'homme. Ces sept mouvements sont une manière de décomposer les forces en oeuvre dans notre psychisme et dans l'environnement naturel. L'image est tirée de l'observation que la lumière solaire peut, sous l'effet d'un prisme, laisser apparaître sept couleurs. Le travail interne consiste ainsi à observer notre architecture subtile au travers du prisme de la méditation.
Pour les rendre plus concrets, ces mouvements sont associés aux sept grands luminaires du Ciel, en externe, et aux sept principales glandes du système endocrinien, en interne. Cette seconde phase du Naïkan est délicate tant que le processus primaire, le questionnement, n'a pas été mené à son terme. En effet, chaque mouvement doit être progressivement équilibré, ses manifestations en manque ou en excès étant symptomatiques d'un déséquilibre, avec des conséquences en termes de pathologie psychique, puis physiologique.
Pour parvenir à sentir et orienter dans un sens positif ces sept mouvements, la méditation ne porte alors plus sur les trois questions du Naïkan de base, mais sur sept points précis du corps subtil (2). La technique consiste à les explorer un à un, en partant par le haut jusqu'à ce que leur fonctionnement soit parfaitement stable.
C'est alors que l'os du sacrum est sensé libérer une "essence" particulière, qui va remonter - en le purifiant de ses "vents karmiques" - le canal subtil de la colonne vertébrale, et se déployer sous forme de lumière et radiance au sommet du crâne. On parle alors, dans le contexte du Bouddisme himalayen, de "corps d'arc-en-ciel". Le processus reprend d'ailleurs celui observé au moment de la mort par les sages de cette tradition, et est écrit dans le "Bardo Thodol", le "Livre de l'Etat intermédiaire entre deux existences" (3).
Le Naïkan en tant que psychothérapie n'envisage pas ces techniques supérieures, mais il y prépare en stabilisant notre conscience et en rétablissant un fonctionnement naturel de notre système mental et émotionnel. La première étape du Naïkan peut ainsi tout à fait être mise en oeuvre au bénéfice de non-Bouddhistes, qui souhaitent simplement jouir d'une bonne santé psychique. Pour les Bouddhistes (ou les pratiquants du Kundalini Yoga de l'Inde), le Naïkan pose les conditions des pratiques supérieures de méditation, qui visent à la délivrance ultime ("nirvana") de toute souffrance ; sachant que le Naïkan est de toute manière, comme le Jodo Shinshu, destiné à des laïcs et non à des moines.
Mouvement Glande | Equlibre | Excès | Manque |
1. Soleil Pinéale | Idéaux élevés, courage, assurance, esprit positif | Confiance aveugle, aplomb | Morosité, absence d’idéal, pusillanimité, découragement |
2. Jupiter Hypophyse |
Raison, circonspection, ordre, dignité, assiduité | Ambition, folie des grandeurs, hyper-organisation |
Manques de bon sens, d’aspiration et d‘organisation |
3. Vénus Thyroïde |
Sens artistique, sentiment, gaité, dévouement, amour |
Enthousiasme exagéré, recherche du plaisir, rêveries | Insensibilité artistique, crispation, pauvreté de sentiment |
4. Saturne Thymus |
Capacité de jugement, fidélité aux principes, intériorisation | Esprit trop critique, orgueil, rigidité sur des principes | Manque de sens critique, dépendance, laisser-aller |
5. Mercure Surrénales |
Intelligence, intérêt, mobilité, médiation |
Instabilité, tromperie, curiosité malsaine, âpreté au gain | Manque d‘intérêt pour le présent, contacts pauvres, maladresse |
6. Mars Pancréas |
Esprit pratique, fougue, force de décision, activité |
Agitation, témérité, irascibilité, agressivité, querelles | Ignorance, angoisse, couardise, passivité, manque de décision |
7. Lune Ovaires / Testicules |
Sens de la nature, sollicitude, aptitude à soigner |
Débauche, ivrognerie, tout pour le bien-être |
Insensibilité, manque d’instincts sains, paresse |
Note.
(1) Le Bouddha historique est le 14ème à s'exprimer physiquement dans notre monde. Il est la manifestation corporelle (on dit alors "Bouddha Nirmanakaya") de l'âme des Bouddhas, décrites comme composée de cinq Bouddhas ("Shambogakaya") ; elle-même l'expression de l'Esprit du Bouddha ("Dharmakaya"). Ainsi, à défaut de rencontrer physiquement un Bouddha, nous pouvons faire sa connaissance dans le domaine psychique, lors de rêves ou de visions éveillées. La plupart des enseignements bouddhiques ne sont ainsi pas des discours du Bouddha historique, mais le fruit de révélations dans le domaine psychique. Ces cinq "âmes" des Bouddhas sont Vairochana, Amogasiddhi, Akshobbhya, Amitabha (Amida en japonais) et Ratnasambhava. Chacun manifeste un paradis, dont le défunt fera l'expérience au moment de sa mort, attiré par l'un ou l'autre. Dans le monde uniquement psychique qui nous attend post-mortem, le défunt reçoit toute l'aide nécessaire pour se libérer. Toutefois, s'il ne reconnaît pas la lumière des Bouddhas qui se manifestent dans les quarante jours après la mort, le défunt est renvoyé vers une matrice, pour renaître sous une des six formes de notre monde (êtres infernaux, êtres avides, animaux, hommes, titans ou dieux). La pratique du Naïkan vise normalement à stabiliser notre état mental et émotionnel, de manière à ce que nous bénéficions de l'aide du Bouddha Amida. Ce dernier a fait voeu de sauver tous les êtres de renaissances inutiles et peut dès lors nous "attraper par les cheveux" pour nous sortir du cycle des renaissances. La particularité du Jodo Shinshu, l'école bouddhique ayant inventé le Naïkan, est qu'elle considère Amida dans son aspect spirituel, ou Dharmakaya. Elle en fait donc le seul et unique Bouddha, et ne considère que lui dans ses pratiques. Il faut se souvenir que le Bouddhisme considère la réalité comme formée de trois couches successives : le monde sans forme, le monde de la forme et le monde du désir, que nous percevons à l'état de veille. A notre mort, nous sommes attirés par un de ces trois niveaux de réalité, sachant que le monde de la forme comprend les cinq paradis des Bouddhas, des réalités uniquement psychiques mais demeurées hors de toute atteinte de la souffrance et du karma. Le Naïkan vise à atteindre le paradis d'Amida en stabilisant notre psychisme, la promesse du Bouddha se manifeste alors spontanément, lors du décès, sans que nous ayons à méditer sur les sept mouvements primaires.
(2) Cette science se retrouve dans diverses traditions, notamment : l'astrologie mésopotamienne et ses 7 axes (les six secteurs de vie et l'axe des noeuds lunaires) ; la tradition nordique (Blanche Neige et les sept nains) ; le Hatha Yoga de l'Inde et ses 7 "çakra" (centres psycho-subtils) partant de la colonne vertébrale (où git l'énergie "Kundalini") ; la révélation chrétienne, dans la vision de St Jean dans le récit de l'Apocalypse (les 7 "Sceaux") ; ou encore l'Islam (les 7 "Dormants" de la "Sourate de la Caverne"). Les 7 métaux (or, étain, cuive, plomb, mercure, fer et argent) de l'homéopathie uniciste, dont les très hautes dilutions interfèrent sur les structures mêmes de la personnalité, permettent de même de rétablir un mode de fonctionnement sain du système psycho-subtil, et de là de la physiologie toute entière du corps. Cette vision a été reprise dans le new-age, qui propose d'ouvir les centres subtils, normalement clos par la sédentarité et son matérialisme, mais hors de tout Eveil spirituel authentique. Il risque alors de se produire un "contre-Eveil", c'est à dire que la conscience ne devienne encore plus obscure, permettant son envahissement par des formes subtiles en décomposition. Ce processus expose à de graves dangers d'ordre psychiatrique, d'autant si le terrain neurologique est affaibli ou prédisposé d'un point de vue génétique : obsessions, syndrome des personnalités multiples, hyperactivité pathologique, etc.
(3) Le Bardo Thodol décrit les états de conscience et les perceptions se succédant pendant la période qui s’étend de la mort à la renaissance. L’étude de son vivant ou la récitation du principal chapitre par un Lama, lors de l’agonie ou après la mort, est censée aider à la libération du cycle des renaissances, ou du moins à obtenir une meilleure existence future au flux de conscience. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bardo_Thödol
(4) Dans le Bouddhisme tantrique, Pinéale et Hypophyse ne forme qu'un seul ensemble, de même que Surrénales et Pancréas. L'anatomie subtile ne comprend ainsi que 5 centres, mis en rapports avec les 5 Eléments de la cosmogonie. Voir : http://tantrisme.onlc.fr/.